
Lecture biblique Luc 19, 28-40
29Or, quand Jésus approcha de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont dit des Oliviers, il envoya deux disciples 30en leur disant : « Allez au village qui est en face ; en y entrant, vous trouverez un ânon attaché que personne n’a jamais monté. Détachez-le et amenez-le. 31Et si quelqu’un vous demande : “Pourquoi le détachez-vous ?” vous répondrez : “Parce que le Seigneur en a besoin.” » 32Les envoyés partirent et trouvèrent les choses comme Jésus leur avait dit. 33Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : « Pourquoi détachez-vous cet ânon ? » 34Ils répondirent : « Parce que le Seigneur en a besoin. » 35Ils amenèrent alors la bête à Jésus, puis jetant sur elle leurs vêtements, ils firent monter Jésus ; 36et à mesure qu’il avançait, ils étendaient leurs vêtements sur la route. 37Déjà il approchait de la descente du mont des Oliviers, quand tous les disciples en masse, remplis de joie, se mirent à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus. 38Ils disaient :
« Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur !
Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! »
39Quelques Pharisiens, du milieu de la foule, dirent à Jésus : « Maître, reprends tes disciples ! » 40Il répondit : « Je vous le dis : si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront. »
Prédication
Frères et sœurs,
Un miracle a eu lieu : les disciples font ce que Jésus dit sans objection aucune. C’est tout de même incroyable ça ! Ça n’a l’air de rien, mais vraiment c’est extraordinaire. Voilà que Jésus demande à deux d’entre eux d’aller chercher un petit âne chez un illustre inconnu et de littéralement l’emprunter sans prévention, et eux ils le font sans même lever le petit doigt pour une objection !
Alors que d’habitude, ils sont, peut-être comme nous, soyons honnêtes, assez réticents à accepter la mission confiée, assez prompts à râler, à traîner des pieds, à remettre en cause ce que le maître leur dit, là nada… ça passe comme une lettre à la Poste. Aucune résistance, ou à peine dans une question, à ce qui leur est demandé. Comme si enfin, la confiance en Jésus était là, et que ça les faisait oser ! La confiance nourrie des rencontres avec leur maître, des miracles, des paroles de leur maître qui depuis des mois sillonne les routes et est devenu à leurs yeux, prophète : porteur d’un message de la part de Dieu. Un message de paix, un message qui prend soin des victimes, des oubliés. Et quand ce message arrive dans nos vies, généralement, il ne laisse pas indifférent… il nous relève, il nous fait du bien. Et dans la confiance, nous devenons aussi audacieux.
L’audace ne s’arrête pas à l’obéissance, non, elle va plus loin. Car l’audace des personnes qui font confiance engendre la propagation de la reconnaissance de la présence de Dieu. Ils sont deux disciples à aller chercher l’âne… et voilà que d’autres plus nombreux acclament. Choisir la confiance pour annoncer, pour permettre à l’annonce d’enfler et d’envahir l’espace. La confiance laisse la place à l’acclamation, à la proclamation pour que toute le monde entende bien ce qui se passe. Ils acclament disciples et foules, et qu’ils reconnaissent Jésus comme un roi, comme l’envoyé de Dieu sans même que le concerné n’ait requis leur avis ! Dieu ne demande plus rien, la confiance a ouvert le chemin !
Et palme de tout cela, pour une fois il semble y avoir l’unanimité chez les disciples. Il n’y a pas de fratries à se tirer dans les pattes, il n’y a pas les apôtres d’un côté et les disciples de l’autre… Tout semble aller comme il se doit, tout semble rôdé ! … C’est magnifique, miraculeux !
Voilà, c’est dit, c’est fait : Jésus est le roi qui vient au nom du Seigneur ! Un roi qui avance assis sur un petit âne volé et dont les sabots piétinent nécessairement les vêtements posés au sol. Il doit avoir l’air bien brinquebalant, pas très royal dans la posture, mais ça échappe aux disciples !
Ils voient, ils reconnaissent dans celui qui avance, le roi et comme des enfants ne pouvant retenir leur joie devant un cadeau merveilleux, ils chantent alentours les bontés de Dieu et ils font tout pour lui rendre la route plus belle, plus confortable et plus sûre.
Ça ne dit pas son nom ! Ça ne paye peut-être pas de mine, mais c’est un miracle fabuleux que de reconnaître Dieu dans sa vie sous les traits simples d’un homme et que de laisser toutes craintes du « qu’en dira-t-on » populaire et du jugement des autorités pour dire sa foi et en appeler à la Paix d’une voix réconciliée !
Ce jour-là sur les chemins de Judée, les disciples prennent une sacrée envergure. Si Jésus, le roi, le Messie reconnu est le miracle en lui-même qui leur est offert, ils sont eux, les disciples, les auteurs de la propagation de ce miracle au monde. Ils sont les découvreurs d’un trésor, et ils le partagent.
Ces humains avec toutes leurs limites, qui ne sont pas tues au fil des Évangiles, sont ceux qui vont permettre la diffusion de la nouvelle tant attendue : Dieu a envoyé son roi, il a envoyé son Messie, la promesse est réalisée.
Ce sont des humains qui prennent l’initiative de dire en quoi leur rencontre avec ce Jésus de Nazareth a changé leur vie. On ne leur a rien demandé. Nul ne requiert de leur part de dire quoi que ce soit, mais ils parlent ! D’eux-mêmes, ils prennent la parole pour dire leur joie, partager leur espérance et annoncer la venue de la paix !
Si ça ce n’est pas un miracle, alors rien n’est miracle ! Car des humains qui annoncent la paix, hier comme aujourd’hui, ça ne court pas les rues. Des humains qui ensemble chantent les merveilles de Dieu pour eux et pour le monde et qui sont capables de faire taire leur orgueil et leur division, ça n’est pas très fréquent. Des humains qui font tout pour que le projet de Dieu avance, quitte à mettre leur vêtement, leur richesse, sur la route, quitte à se mettre à nu pour que la route de Dieu soit aplanie, sans trop de poussière pour qu’on puisse le voir, sans trop de cailloux pour que l’âne ne se blesse pas et arrive à bonne étape, on n’en voit pas tous les jours !
Oui, il y a du miracle en ce jour de fête, mais le miracle n’a pas la tournure attendue. Le miracle, on l’attendrait dans la gloire d’un roi posé dignement sur son trône ou avançant couvert de pourpre. Le miracle, on l’attendrait dans la parole d’un roi qui en impose à son peuple.
Mais on a tous sauf ça. On a un Dieu qui en se révélant roi est déjà entrain de laisser la place aux croyants. On a un Dieu qui se fait humble sur un âne et qui s’en remet à des hommes pour que sa route se poursuive. On a un Dieu qui prend si peu de place en fait dans le tableau, tant les disciples, leur joie, leurs actes et leurs paroles prennent d’importance.
En ce jour où Jésus s’avance sur un petit âne, tout est déjà en train de se dire : Dieu remet son histoire dans le creux des mains humaines, dans le cœur des voix humaines !
Il y aura des chutes, il y aura des abandons. Les humains ne tiennent pas toujours bons ! Mais l’essentiel en ce jour est ailleurs. L’essentiel, c’est que des humains ont laissé leurs paroles se libérer. Ils ont osé. Et tout devient possible !
Car leur parole leur échappe déjà. Et s’ils ne la tiennent plus, s’ils se taisent, s’ils sont réduits au silence, comme y appellent les Pharisiens, les bien-pensants, les autorités, d’autres prendront le relais. Car quand une parole de liberté est posée, elle continue toujours son chemin. Elle trouve toujours le plus petit espace pour s’infiltrer et pour passer.
S’ils se taisent eux, leur parole, elle, trouvera écho dans les murs des maisons, sur les trottoirs des rues, sur les pierres qui bâtissent le monde.
La parole audacieuse des croyants est une parole dont le voyage est sans fin. Elle a juste besoin de naître. Après elle fait sa route à travers le monde.
Le jour des Rameaux, nous fêtons Jésus qui se révèle à nous comme un roi, c’est vrai ! Mais n’oublions pas de fêter la place qu’il nous donne, la liberté qu’il nous offre, l’audace qu’il pose en nos cœurs pour témoigner de notre foi.
Le jour des Rameaux, c’est le commencement de l’histoire de notre témoignage. Alors que Jésus va disparaître de ce monde avant d’y ressusciter différent sous des traits humains inconnus – un jardinier, un compagnon de marche, un pêcheur – il nous donne déjà la parole.
A nous maintenant d’oser dire qui est Dieu pour nous. A nous d’oser nous affranchir des paroles convenues, des lectures ressassées ! A nous aussi peut-être, sans doute, d’aller à contre courant des attendus et de libérer une parole de paix et de réconciliation !
C’est exigeant, c’est décapant et comme les disciples nous avons à nous découvrir, à retirer de notre superbe, à gagner en humilité en laissant tomber à terre nos manteaux, nos parures, nos apparences.
En avançant sous nos chants de joie, qui disent notre rencontre, Dieu vient piétiner ce qui nous est confortable, ce qui nous tient chaud, ce qui nous protège des autres… et en cela il nous rend véritablement libres de nos écrans.
En passant dans nos vies, Dieu nous conduit vers un chemin audacieux, libre de peur et porteur de joie… en somme un chemin de résurrection !
Alors oui, vraiment, je crois qu’en allant chercher un petit âne sans rechigner, qu’en couvrant le sol pour protéger le petit âne, qu’en chantant leur joie, les premiers disciples ont accompli un miracle superbe qui bouleverse aujourd’hui encore notre monde.
Ils ont permis à Dieu de continuer sa route, de s’effacer avant de revenir et de passer vivant enfin jusque chez nous ! Et ça ce n’est pas rien !
Amen