La grâce nous précède

Texte de la prédication du 5 octobre 2025 par Rova Rakotoarson

Lectures

2 Timothée 1 : 6-14

C’est pourquoi je t’exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu par l’imposition de mes mains.

Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse.

N’aie donc point honte du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier. Mais souffre avec moi pour l’Évangile, par la puissance de Dieu qui nous a sauvés, et nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant les temps éternels, et qui a été manifestée maintenant par l’apparition de notre Sauveur Jésus-Christ, qui a détruit la mort et a mis en évidence la vie et l’immortalité par l’Évangile.

C’est pour cet Évangile que j’ai été établi prédicateur et apôtre, chargé d’instruire les païens. Et c’est à cause de cela que je souffre ces choses ; mais j’en ai point honte, car je sais en qui j’ai cru, et je suis persuadé qu’il a la puissance de garder mon dépôt jusqu’à ce jour-là.

Retiens dans la foi et dans la charité qui est en Jésus-Christ le modèle des saines paroles que tu as reçues de moi. Garde le bon dépôt, par le Saint-Esprit qui habite en nous.

 

Luc 17 :5-10

Les apôtres dirent au Seigneur : Augmente-nous la foi.

Et le Seigneur dit : Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce sycomore: Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait.

Qui de vous, ayant un serviteur qui laboure ou paît les troupeaux, lui dira, quand il revient des champs :  Approche vite, et mets-toi à table ? Ne lui dira-t-il pas au contraire : Prépare-moi à souper, ceins-toi, et sers-moi, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi, tu mangeras et boiras ? Doit-il de la reconnaissance à ce serviteur parce qu’il a fait ce qui lui était ordonné ?

Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.

 

 

Prédication

  1. Petit témoignage personnel. Je n’ai pas grandi, contrairement à d’autres, dans une famille chrétienne. Et je ne suis devenue croyante qu’à l’âge de 25 ans. Ce qui m’a attirée dans la foi chrétienne, c’est la gratuité de l’amour de Dieu. Dans une société où rien n’est gratuit, cela m’a vraiment interpellée. Et c’est vraiment en commençant à fréquenter l’Eglise que j’ai compris que je n’avais rien à faire pour recevoir l’amour de Dieu : la grâce. Oui cette grâce, c’est l’essence, et l’essentiel, de ce qui a fondé ma foi. Ça peut paraître un peu fleur bleue et simpliste de parler sans cesse d’amour gratuit, d’amour inconditionnel. Mais moi, à chaque fois que je redécouvre ce message, que je me l’approprie, que j’en fais ma vérité, je me dis : ah oui… quand même… c’est un message tellement simple et en même temps tellement puissant et révolutionnaire !Et vous, cette grâce, est-ce qu’elle fait écho dans votre vie ? Est-ce que vous l’avez déjà ressentie ? La grâce…

    Cette grâce, en tant que chrétiens, nous sommes appelés à la discerner dans nos vies et à en témoigner auprès de nos proches et de nos prochains. C’est peut-être ce qui nous différencie fondamentalement des autres. Parce que, l’amour de Dieu, je crois fermement que tout le monde en bénéficie ; ce n’est pas le propre du chrétien. Mais nous, chrétiens, nous sommes appelés à en prendre conscience et à en témoigner.

    Je parlais de proches et de prochains auprès de qui témoigner. Quand je parle de prochains, je parle de ces gens qui ne sont pas forcément dans nos cercles familiaux ou d’amis, mais que nous sommes amenés à rencontrer, et qui sont eux-aussi au bénéfice de cette grâce. Car oui, nous sommes toutes et tous enfants aimés de Dieu.

    Dans le passage de la lettre à Timothée que nous avons lue, Paul n’y va pas par quatre chemins pour exhorter Timothée à aller témoigner. Et en fait, si on regarde de plus près ces versets, c’est une vraie confession de foi que Paul nous fait là ! C’est SA confession de foi. Mais nous ? Est-ce que nous pourrions la faire nôtre ? Quelle résonnance cette confession a dans nos vies ? Est-ce que nous sommes prêts à devenir des Timothée en herbe ?

    Et ce matin, j’ai envie de me demander avec vous : « Pourquoi » et « pour quoi » témoigner de cette grâce, de cet amour de Dieu ?

    Chacune et chacun de nous a sa manière de répondre à cette question du « Pourquoi » et du « pour quoi ». Et Paul répond aussi à cette question à sa façon. Il dit notamment ce verset, que j’ai souhaité offrir à mon aîné pour son baptême : « ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse ». Cette façon de répondre, elle nous interpelle.

    Et je vous invite ce matin, à y réfléchir ensemble

    Revenons d’abord au texte. Paul s’adresse à Timothée, et peut-être à nous également, et affirme que leur (notre ?) sainte vocation n’a rien à voir avec leurs œuvres. Au-delà de cette sainte vocation (on peut comprendre par « sainte » vocation, vocation « mise à part »), ce don gratuit, immérité, c’est vraiment l’essence de la grâce, de l’amour de Dieu comme étant inconditionnel. Nous n’avons rien à faire pour l’obtenir, elle ne dépend pas de réussites ou de nos bons comportements, de nos bonnes actions.

    Dans une société qui se veut souvent méritocratique, découvrir que peu importe ce que l’on fait ou que l’on ne fait pas, nous sommes estimés, aimés et appelés, c’est un message vraiment novateur. Novateur et pourtant tellement ancien, qui date d’avant même l’origine des temps. Paul nous rappelle que cette grâce nous a été donnée par Jésus-Christ avant les temps éternels.

    Je pense à ces échecs auxquels chacune et chacun est forcément confronté dans sa vie, ou du moins ce que la société environnante nous amène à considérer comme des échecs ; un travail perdu, un concours raté, une séparation… Et pourtant, il y a cet amour de Dieu pour nous, tel un parent à son enfant qui dirait : « quoiqu’il arrive, je t’aime. Tu n’as rien à me prouver. A mes yeux tu es, et tu seras, cette personne que je considère, que j’estime, et que j’aime ». Oui, cet amour qui nous permet de cheminer et de grandir en toute confiance, avec une tranquille estime de nous-même, c’est je crois ce qui est au cœur de la grâce.

    Alors oui, la grâce nous précède.  La grâce nous précède, mais elle nous est également assurée jusqu’à la fin et au-delà. Cela ne signifie pas que nous n’avons et nous n’aurons pas d’épreuves sur notre chemin, mais nous ne sommes pas seuls dans ces épreuves.

    Paul parle de « souffrir ». Je me suis souvent interrogée sur ce terme « souffrir » : dans le passé et aujourd’hui encore dans certaines régions du monde, les chrétiens souffrent à cause de leur foi. Et nous avons beaucoup de chance de pouvoir vivre librement notre foi. Nous pouvons toutefois souffrir de moqueries, ou au moins du regard des autres. Cette souffrance, c’est sans doute plutôt notre peur, qui nous enferme. Mais nous sommes appelés à assumer cette partie de notre identité, ne pas en avoir honte, même si c’est à contrecourant de la société. Et cet enfermement, cette peur, la grâce nous en libère !

    Pour autant ce terme « souffrir » dans la lettre de Paul à Timothée m’a toujours un peu dérangée. Mais en préparant cette prédication, je me suis rendu compte que ce mot « souffrance », alors qu’il m’avait toujours dérangée, pouvait aussi résonner pour moi.

    Vivre de l’Evangile, nous amène à porter un regard d’amour, mais aussi à discerner et à voir la souffrance du monde. Heureusement, et c’est la promesse que Paul nous rappelle, Dieu nous a donné un esprit d’amour et de sagesse, mais aussi de force. Nous ne sommes pas seuls, vous n’êtes pas seuls, Dieu est votre force. C’est là aussi que se trouve la grâce, dans cet esprit qui vous envoie avec force, amour et sagesse.

    Et nous pouvons cheminer avec confiance, car ce chemin est porté par le dessein de Dieu, qui nous protège par la puissance de son amour, et qui nous promet le meilleur. Lorsque je parle de la puissance de son amour, il s’agit d’un amour infini, qui nous soutient et nous envoie tout en douceur, un amour qui nous donne une force tranquille et nous ouvre une infinité de possibles.

    La grâce nous a été donnée par Jésus avant les temps éternels : cette grâce dépasse et surpasse notre temporalité, elle est totale, absolue. Elle est dans notre aujourd’hui, offerte à chaque être humain, en tant que créature aimée de Dieu. Et cela change tout, pour moi, pour toi, pour vous. Le champ des possibles nous est ouvert avec cet esprit de force, d’amour et de sagesse. Cela me rappelle ce verset dans l’épître aux Philippiens : « je puis tout par celui qui me fortifie ». 

    Nous pouvons avancer sur notre chemin de foi et en témoigner avec confiance. La grâce nous précède et nous est assurée. C’était le premier temps de notre réflexion.

    Mais se pose quand même la question : pourquoi devons témoigner de cet amour de Dieu que nous avons reçu ? Cela nous amène à notre deuxième point :

     

    Paul exhorte Timothée à témoigner de la bonne nouvelle et à la transmettre, comme lui-même a été appelé à le faire. La bonne nouvelle, c’est un don d’amour gratuit, inconditionnel, qui nous est offert par Dieu. C’est ce qui, je crois, nous oblige.

    Paul a reçu ce don d’amour, cet esprit de force, d’amour et de sagesse, cette confiance. Il est alors envoyé pour partager cette bonne nouvelle de l’amour gratuit que Dieu nous offre, de sa grâce assurée. Puis à son tour il envoie Timothée.

    Mais quand on parle d’envoi, quand je dis que la grâce nous « oblige », cela fait penser à un devoir contraignant que nous n’avons pas forcément envie d’accomplir, mais que nous faisons sous la contrainte parce que nous n’avons pas le choix.

    Or il s’agit ici de partager une bonne nouvelle, nous sommes tous aimés de Dieu ! Et n’a-t-on pas envie de se précipiter vers les nôtres pour partager une bonne nouvelle ? Lorsqu’il y a une naissance, un mariage, ou que vous venez d’avoir un nouveau travail ou une promotion, n’avez-vous pas envie de partager cette bonne nouvelle ? Par ailleurs, si quelque chose vous fait du bien et pourrait faire du bien aux autres, n’avez-vous pas envie de le partager avec ceux que vous aimez ? De la même manière, cette bonne nouvelle de la grâce, n’est-il pas naturel de vouloir qu’un maximum de personnes en bénéficie ?

    Si personne ne vous avait parlé de Jésus et de l’amour de Dieu, est-ce que vous en soupçonneriez l’existence ? Et si à travers les âges et le monde il n’y avait pas eu tous ces témoins, il n’y aurait sans doute pas autant de chrétiens aujourd’hui.

    Dieu nous appelle à témoigner de cet amour offert gratuitement. Mais cet appel n’est pas une obligation morale ; c’est plus une force, un esprit de force, d’amour et de sagesse (et non de timidité comme nous rappelle Paul) qui est nous est donné, un souffle qui nous envoie, nous porte et nous accompagne, tel l’envoi donné à la fin de chaque culte.

    Nous avons donc d’abord vu que la grâce nous précède ; ce deuxième temps de notre réflexion nous a amené à voir que la grâce nous oblige, ou plutôt nous envoie.

    Mais si ce n’est pas une obligation morale, on peut quand même se demander : qu’avons-nous à y gagner ? Et nous arrivons à notre troisième et dernier point :

     

    Oui, qu’avons-nous à y gagner ?  Quelle récompense pouvons-nous attendre ?

    Et c’est là que nous pouvons revenir au deuxième texte lu ce matin, dans l’Evangile de Luc, où Jésus nous parle du serviteur inutile.

    Nous reprenons constamment nos enfants quand ils sont petits, jusqu’à ce que le « merci » devienne naturel et spontané. C’est le fameux « qu’est-ce qu’on dit ? Merci ! » que vous avez sûrement déjà prononcé, ou au moins entendu. On apprend dès le plus jeune âge à être reconnaissants. Et c’est aussi ce que nous sommes amenés à faire en tant que chrétiens : être reconnaissants des bénédictions reçues, exprimer notre gratitude.

    Mais à l’inverse, lorsque nous accomplissons un devoir, une tâche au travail, une mission pour une association ou même pour l’Eglise, lorsque nous rendons un service, ne semble nous-t-il pas naturel d’attendre une reconnaissance ? N’est-ce pas légitime ? Et bien Jésus, en parlant du serviteur inutile, semble nous dire que non, ce n’est pas légitime. Un serviteur ne fait qu’accomplir son devoir. Et lorsque quelqu’un vous dit « merci », ne répondez-vous pas spontanément, (je parle pour les francophones), « de rien » ? Un « de rien » qui nous met dans une position d’humilité quand on rend service, quand on donne de sa personne.

    Là où la société nous apprend le mérite, la rétribution, le modèle économique proposé par Jésus est tout autre : c’est l’économie du don, le vrai don, le don gratuit qui n’attend pas de retour. Pas forcément besoin de récompense dans la reconnaissance.  Cela se fait de dire merci en Eglise par exemple, mais le merci attendu n’est pas ce qui fonde notre engagement. On ne sert pas pour avoir un merci, mais un merci fait du bien et consolide la confiance : la récompense nous est donnée autrement, dans l’édification.

    C’est le même sentiment éprouvé lorsqu’on a contribué de près ou de loin à l’éducation d’un enfant, qu’on soit parent, oncle ou tante, professeur : n’est-ce pas édifiant de le voir grandir ? De le voir s’épanouir ? N’est-ce pas la plus grande joie ? On a tendance à dire qu’il est plus simple de recevoir que de donner. Pour autant, je crois fermement que donner procure plus de joie que recevoir.  Oui, donner procure plus de joie que recevoir. 

    Je parlais tout à l’heure, avec peut-être un soupçon de provocation, du modèle économique de Jésus, de l’économie du don gratuit. Cette économie est bien tout autre. Car dans le monde tel qu’il est, avec ses règles humaines et ses lois naturelles, lorsque vous donnez quelque chose, vous avez logiquement moins de cette chose ensuite. Mais l’amour inconditionnel, la bénédiction, l’annonce d’une parole de vie, lorsqu’elle est donnée, offerte, partagée, par une personne qui témoigne ainsi de sa foi, cela ne lui enlève rien, ne lui retranche rien.

     

    Amen

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