Comment suivre Jésus ?

Texte de la prédication du 4 septembre 2022 par le pasteur Andreas Seyboldt

Dimanche 4 septembre 2022

Culte au Centre 72

 

Lectures bibliques :

 

Proverbes 8, 34 – 35 (NFC)

Heureux ceux qui m’écoutent, qui se tiennent chaque jour à ma porte

et qui veillent à l’entrée de ma maison.

Celui qui me trouve, trouve la vie : le Seigneur lui donne son approbation.

 

Luc 14, 25 – 35 (NBS) :

25 De grandes foules faisaient route avec lui. Il se retourna et leur dit :

 

26 Si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple.

27 Et quiconque ne porte pas sa croix pour venir à ma suite ne peut être mon disciple.

 

28 En effet, lequel d’entre vous, s’il veut construire une tour, ne s’assied pas d’abord pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi la terminer, 29 de peur qu’après avoir posé les fondations, il ne soit pas capable d’achever, et que tous ceux qui le verront ne se moquent et ne disent :

30 « Cet homme a commencé à construire, et il n’a pas été capable d’achever. »

 

31 Ou bien quel roi, s’il part en guerre contre un autre roi, ne s’assied pas d’abord pour se demander s’il peut, avec dix mille hommes, affronter celui qui vient au-devant de lui avec vingt mille ? 32 Sinon, tandis que l’autre est encore loin, il lui envoie une ambassade pour demander les conditions de paix.

 

33 Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.

 

 

Prédication :

 

Il y va fort, Jésus … Il ne fait pas dans la dentelle :

À ceux qui, nombreux, se sont mis à le suivre, au lieu de s’en réjouir et de les encourager davantage encore, Jésus impose des conditions – impossibles à tenir : « Si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple » !

Comment comprendre ses paroles qui semblent radicalement contredire d’autres paroles de Jésus, lorsqu’il s’adresse, p.ex. aux pécheurs du lac de Tibériade en leur disant : « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » (Marc 1,17) – sans poser aucune condition ?

Et, surtout, comment comprendre un tel discours dans la bouche de celui dont le message central se résume dans cet appel solennel et ultime adressé à ses disciples  : “Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres. Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples” (Jean 13,34-35) ?

Il nous faut, pour y voir plus clair, pour comprendre ce que ces versets veulent nous dire, je vous propose de cheminer à travers notre texte en trois étapes – trois étapes d’un même voyage de découverte de l’Évangile dans ce passage de l’évangile de Luc :

 

1) Pour suivre Jésus, il faut savoir haïr

2) Pour suivre Jésus, il faut savoir calculer

3) Pour suivre Jésus, il faut savoir renoncer

 

1) Pour suivre Jésus, il faut savoir haïr

Pourquoi cette exigence de Jésus sur le fait de « détester » toute sa famille et même « sa propre vie » ? Détester, miseo en grec, comme dans misogyne ou encore misanthrope. Une haine totale qui envahit l’être humain et l’empêche de vivre en paix. Et c’est à cette haine que Jésus appellerait ? Puis, qu’il faut « prendre sa croix » ! …

En écoutant, en lisant ce passage ce matin, vous avez peut-être aussi le sentiment que j’avais, il y a quelques jours, en le lisant pour la préparation du culte :

Ce passage, ces paroles, il y a quelque chose comme un « déjà-vu », un « déjà lu », ailleurs, dans les évangiles…

Et, en effet, nous trouvons des paroles similaires de Jésus par exemple dans un passage de l’évangile de Matthieu :

« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Celui qui ne se charge pas de sa croix pour marcher à ma suite n’est pas digne de moi. Celui qui voudra garder sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera » (Matthieu 10,34-39).

Dans un autre passage encore, dans l’évangile de Marc, les membres de la famille de Jésus sont venus le chercher dans le but à peine caché de l’empêcher de prêcher, pensant qu’il « a perdu la tête ». Lorsqu’ils le font appeler, Jésus répond en désignant ceux qui sont autour de lui en train de l’écouter : « Voici ma mère et mes frères ! Car celui qui fait la volonté de Dieu, celui-ci est pour moi un frère, une sœur et une mère » (Marc 3,37-35). …

Jésus ne nous dit pas de détester nos parents, mais de détester ce qui dans, dans notre relation avec eux, nous empêche d’aimer Dieu et notre prochain, d’être à l’écoute de la parole de Dieu. Il ne s’agit pas de détester la personne du père, de la mère, mais le lien qui nous attache à eux, lorsque ce lien devient étouffant, destructeur et nous empêche de vivre notre vie, telle que Dieu l’a voulu pour nous ! …

Oui, mais alors pourquoi faut-il encore en plus « haïr … sa propre vie » ?

Nous y reviendrons un peu plus loin !

 

2) Pour suivre Jésus, il faut savoir calculer

Pour bien illustrer l’importance que Jésus accorde aux efforts à prévoir pour devenir disciple, il raconte deux courtes paraboles, deux petites histoires qui, à première vue, n’ont rien avoir avec la vie d’un disciple de Jésus ! Aucun lien non plus entre elles, si ce n’est que dans les deux, il s’agit de bien « calculer ses moyens ».

L’histoire du roi qui « part en guerre contre un autre roi », me fait penser à Poutine et son « opération spéciale » contre l’Ukraine : il n’a pas dû bien compter la puissance de son armée, ou plutôt sous estimer celle des Ukrainiens et leur volonté à se défendre ! Puis, on aimerait bien qu’il envoie « une ambassade pour demander les conditions de la paix » ! …

Quant à celui qui « veut construire une tour », il paraît évident qu’il lui faut calculer ses dépenses – et, accessoirement, la durée des travaux, avant d’envisager concrètement de commencer les travaux. Des travaux de construction inachevés, fautes de moyens, nous en connaissons peut-être des exemples. Personnellement, cette petite parabole me fait penser à la construction des cathédrales au Moyen Âge qui nécessitaient des moyens énormes et duraient souvent un siècle, voir même plus – et qui, parfois, restaient aussi inachevés – comme, p.ex. la cathédrale de Strasbourg, initialement prévue avec deux tours, mais dont qu’une seule a été terminée.

Les deux paraboles illustrent bien, chacune à sa manière, que les « moyens » à mettre en œuvre pour devenir disciple sont considérables, puisqu’il s’agit de rien de moins que de renoncer à ce qui nous est le plus cher, à savoir, en plus de notre famille, notre conjoint et nos enfants – notre propre vie !

 

3) Pour suivre Jésus, il faut savoir renoncer

Ailleurs, dans l’évangile de Marc (et de Matthieu aussi), nous lisons : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » (Marc 8,34).

Dans ce passage, il ne s’agit pas de « renier sa vie » en tant que telle, mais plutôt de l’image, de la représentation que l’on a, que l’on se fait de soi-même. Il s’agit de renier l’importance que l’on à ses propres yeux, la confiance que l’on met en sa propre existence. « Porter sa croix », doit alors être envisagé en lien avec le reniement de soi : vouloir suivre le Christ tout en continuant à compter sur soi-même, sur ce que l’on est, sur ce que l’on sait, sur la place qu’on occupe, tout cela constitue un obstacle, une impasse à la suivance véritable. Suivre Jésus, c’est le suivre avec nos faiblesses, nos manquements, nos manques, nos imperfections. Le suivre tels que nous sommes et non pas tels que nous aimerions être … comme l’expriment les paroles du cantique : « Tel que je suis, sans rien à moi, sinon … ta voix qui m’appelle à toi » (Alléluia 43-10) !

C’est ici que s’impose un premier constat :

Paradoxalement, l’amour gratuit et inconditionnel de Dieu le Père que Jésus annonce et incarne dans son Évangile, n’est pas recevable, sans conditions, ou, plutôt, sans renoncement ! Le verset 33 de notre passage le résume ainsi: « Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple ».

C’est bien ce verset 33 qui, en fait, est la « clé » qui nous permet de lire et de comprendre ce que Jésus veut dire à celles et ceux qui veulent le suivre – et qui me permet d’ajouter ce quatrième point – imprévu au départ ! :

 

 

4) Pour suivre Jésus, il faut savoir renoncer à calculer

« Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple ».

Nous avons vu déjà qu’il ne s’agit pas seulement des bien matériels : maison, voiture, nourriture, salaire, etc., mais bien aussi des biens immatériels comme nos mérites, nos capacités, notre savoir …  ainsi que nos plans, nos projets, nos projections – pour rester ouvert à l’imprévisible irruption de l’Évangile au sein de nos existences !

 

Pour illustrer ce quatrième point, je voudrais vous raconter, à l’aide de quelques images, l’histoire de la construction d’une cathédrale ….

Il ne s’agit pas ce celle, déjà évoquée, de Strasbourg, mais d’une autre non pas moins célèbre que nous avions l’occasion et la chance de visiter, il y a une dizaine de jours sur la véloroute de nos vacances : la cathédrale d’Ulm !

 

Elle a la plus haute flèche d’église du monde, avec ses 161,53 m. Elle est également l’Église protestante la plus grande d’Allemagne.

 

L’histoire de sa construction commence au 14e siècle, lorsque les citoyens de cette ville, devenue « ville impériale », c’est-à-dire ville soumise directement à l’empereur du Saint Empire Romain germanique, et donc indépendante des princes et des évêques régnants dans les principautés environnantes, décidèrent de construire une église paroissiale à l’intérieur des murs de leur ville. Une église, qui devait aussi refléter cette indépendance, et la liberté de ses citoyens-commerçants. Elle devait, pour cela, être financée par ces derniers qui, grâce au commerce florissant, avaient acquis une certaine richesse.

 

C’est en 1377 que le conseil municipal, par la voix de son maire Lutz Krafft, confiait le projet à Heinrich Parler, premier maître d’œuvre de la future cathédrale, puis plus tard à un de ces fils

 

En 1392, leur succède Ulrich d’Ensingen comme maître d’œuvre(associé à la cathédrale de Strasbourg) fut nommé maître d’œuvre. Il rêve de construire une flèche de 150 m !

 

Pour cela, il prévoit d’agrandir considérablement la nef !

Comme dans toutes les églises et cathédrales catholiques romaines, l’élément central à l’intérieur est le « maître autel » auquel est associé le tabernacle où sont gardés les éléments de l’eucharistie.

Dans la cathédrale d’Ulm a été érigée une véritable « maison du sacrement » – à l’intérieur de la cathédrale – ainsi que des nombreux autels – en plus de l’autel principal – avaient été installés, financés par des riches commerçants de la ville pour que l’on puisse y prier pour le salut de leurs âmes…

 

Mais c’est là que fait irruption de façon inattendue la Réforme qui bouleverse alors les plans et calculs du premier conseil municipal :

ses successeurs au 16e siècle décident en 1530, de faire adhérer la ville de Ulm à la Réforme, suite à un vote où 87 % de la population avaient exprimés leur accord.

Il recommande alors aux donateurs privés d’emporter leurs autels chez eux : un grand nombre d’entre eux a trouvé une novelle place dans les églises environnantes.

 

Ceux que personne ne réclame, sont détruits – ou transformés en simples « œuvres d’art »…

Les statuts des saints sont remplacés par des figures bibliques, telles les prophètes et les évangélistes.

Et encore par les personnages importants de la Réforme, tels que Marin Luther et Jean Sébastien Bach…

En 1543, les travaux de construction furent interrompus au moment où le clocher avait atteint une hauteur d’environ 100 m.

L’arrêt du processus de construction fut causé par divers facteurs d’ordre politique et religieux.

Les travaux reprirent en 1817 et les trois clochers de l’église furent finalement achevés – dont la flèche de 161 m – dépassant encore de quelques centimètres le rêve initiale du maître d’œuvre Ulrich d’Ensinger. Enfin, le 31 mai 1890, le bâtiment était terminé.

Pendant la 2e Guerre mondiale, le centre historique de la ville fut presque entièrement détruite, ais la cathédrale est la flèche de 161 m est resté debout !Ce n’est qu’après la reconstruction.

 

Aujourd’hui, des cultes sont célébrés tous les dimanche – à partir de la chair et de la table de communion qui se trouvent au centre de la nef.

 

Et Ulm est devenu le lieu du grand rassemblement des cuivres d’église : tous les deux ans, sur les parvis de la cathédrale se ressemble les 7000 musiciens du « plus grand brass-band » du monde pour faire entendre le son de leurs instruments à la seule gloire de Dieu – avec cet hymne final, composé par J.S.BACH : « Nun danket alle Gott »« Rendons tous gloire à Dieu ! »

Amen !

Voici les photos de la cathédrale d’Ulm

Cathédrale d'Ulm
Cathédrale d'Ulm

Contact