Le royaume de Dieu chez nous aujourd’hui

Texte de la prédication du 14 septembre 2025 par la pasteure Gwenaël Boulet

Luc 19, 1-10

Jésus entra dans la ville de Jéricho et la traversa.
Un homme riche, appelé Zachée, chef des collecteurs d’impôts, cherchait à voir qui était Jésus ; mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et monta sur un sycomore pour voir Jésus, qui devait passer par là.
Quand Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et dit : « Zachée, dépêche-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd’hui chez toi. »
Zachée se dépêcha de descendre et reçut Jésus avec joie.
Tous ceux qui virent cela se mirent à critiquer : « Il est allé loger chez un pécheur ! » disaient-ils.
Zachée se leva et dit au Seigneur : « Écoute, Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai pris trop d’argent à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois autant. »
Jésus dit alors : « Le salut est entré aujourd’hui dans cette maison, car cet homme est aussi un descendant d’Abraham.
En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. »

Prédication – Luc 19, 1-10

Le thème de l’année au jardin et à l’école biblique sera le Royaume de Dieu… oui, oui… les catéchètes relèvent ce défi. Alors tout de même, on s’est dit que si les enfants partaient à la découverte du Royaume, ce serait ballot de laisser les parents et paroissiens à l’écart. Donc voilà, enfilez vos sandales ou chaussures de marche, nous allons arpenter nos routes humaines pour y dénicher le Royaume. Comment ça … pas nos routes humaines ? Vous ne pensez pas que le Royaume soit là dans nos vies, et dans notre monde ?

Je reconnais avec vous qu’en voyant l’état du monde, nous avons vite fait de nous dire : « Oh bah, on a le temps… pas d’urgence pour partir à sa recherche… il n’est pas encore là». Et en regardant à nos propres vies, avec leurs trucs mal fichus, avec leurs divisions, leurs rancœurs… leurs ruptures… Oulà, je crois bien, qu’on est alors nombreux.ses à se dire : « il n’est pas là non plus le Royaume…. Pas encore ». Trop de bazar dans nos maisons de vie.

Et pourtant, en ajustant nos regards et nos lunettes, on discerne des moments comme des pépites. Tout va bien. C’est aligné. On est paisible. Et là, alors on dans le partage de la joie, dans l’instant de paix, on a l’impression de toucher l’éternité… vous voyez, ce que je veux dire ?! Même si tout autour ce n’est rangé 😉

Et si ces instants-là étaient de l’ordre du Royaume ? Si ces instants là disaient simplement la présence de Dieu pour nous et avec nous ? Bah oui, parce que le Royaume, qu’est-ce que ça peut être d’autre que la vie en présence de Dieu ? Alors le Royaume… est-il vraiment que « pas encore » ?

Encore faudrait-il peut-être que nous prenions simplement le temps de regarder, le temps de ralentir pour découvrir sa présence. Que nous arrêtions un peu, les « Allez, dépêche-toi un peu, tu vas être en retard » que nous adressons aux autres et les « Allez, active, t’as plus que 2 jours pour tout faire » que nous nous disons en nous-mêmes. Oui, je crois que pour comprendre cette tension entre un Royaume pas tout à fait là et déjà présent, il nous faut en partie revoir notre propre rapport au temps. Oui, oui, surtout en période de rentrée…

Pas simple, je le sais… et pas d’aujourd’hui non plus. Car voyez-vous des hommes et des femmes pressées, il y en a toujours eu. J’en veux pour exemple Zachée qui passe devant tout le monde, qui se dépêche de précéder tout le monde pour arriver à ses fins.

Ah oui, décrit comme ça, il est terriblement contemporain Zachée. Il veut quelque chose lui l’homme riche, alors il s’en donne les moyens. Et tant pis, si pour cela il doit courir, doubler, et faire sien un arbre de la place publique. Tout petit qu’il soit en taille, je suis sûre, que d’un seul coup, vous le trouvez moins sympathique… non ?

En tous cas, il ne procrastine pas… l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, aux entreprenants.. à ceux qui mettent à profit le temps. Allez vite ! Même pour aller à la rencontre de Jésus, il faut aller vite. Mais ça, c’était pour fissurer un peu la carapace de Zachée. Pour que vous discerniez qu’il n’est pas un homme parfait… tout beau et tout lisse de nos histoires.

On peut aussi se dire que Zachée, il a farouchement envie de rencontrer Jésus. C’est important pour lui ? Pourquoi ? On ne le sait pas. Mais il a un événement à vivre. Il a quelque chose, quelqu’un à trouver. C’est un peu de l’ordre de la quête. Vous savez comme nous avec le Royaume des fois… avec la présence de Dieu dans nos vies. On aimerait parfois tellement la sentir cette présence, la vivre, la redécouvrir, la dénicher de nos tiroirs encombrés. Alors vite, encore et encore vite, on se lance à sa rencontre.

Oui, bien sûr, mais pour que ça fonctionne, pour que la course de Zachée ou la nôtre puisse se vivre, alors il faut nécessairement qu’autre chose ait été mis en mode pause. On ne court pas en restant sur place… On ne va pas devant en restant dans son chez soi de routines et d’agenda bien organisé et bien rempli. Pour vivre la rencontre avec Jésus, il y a de l’espace à mettre, à créer, à laisser. Au moins, y-a-t-il un mouvement à suivre : celui de l’envie de la rencontre, qui rompt de fait les habitudes. Il y a le choix de prendre un peu de temps pour ne pas rater l’essentiel qui arrive dans la vie !

Et alors je me demande, sommes-nous toujours aussi sages que Zachée ? Prenons-nous le temps de faire ce qui compte vraiment pour nous, quitte à déserter des chantiers qui comptent pour d’autres ? Tout ça pour vivre ce qui a du prix à nos yeux.

La course oriente le chercheur, la chercheuse, elle tend vers une rencontre… mais elle ne la créé pas. Et c’est là le « pas encore ». Jésus est en train d’arriver. Il n’est pas encore là… pas tout à fait. Et pourtant Zachée, ou l’homme, la femme en quête de sens, de Dieu est déjà bien installé dans son arbre, dans son lieu de veille. L’humain est là, Jésus est là, mais ni l’un ni l’autre ne sont au point de rencontre. Parce que la rencontre, elle demande autre chose qu’un simple « stop » dans nos habitudes. La rencontre, elle requiert un arrêt du monde autour de nous pour que tout se joue entre Dieu et nous. Plus rien ne compte, plus de bruit de foule… juste un regard, une parole entre toi, mon frère, ma sœur et Dieu qui te voit.

Alors le temps s’arrête. Non pas par choix de Zachée ou de nous-mêmes, mais par le regard de Jésus. Jésus stoppe, lève les yeux, et appelle : « Zachée, dépêche-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd’hui chez toi. » « Toi, et toi, et toi… dépêche-toi de descendre… »

Waouh ! Mais d’où Jésus connaît-il Zachée ? De nulle part. Pas une fois avant son nom n’est mentionné. Et pourtant, Jésus l’appelle par son prénom, comme on appelle un ami. Il s’invite chez lui. Il veut demeurer dans sa maison.

Et ce verbe-là « demeurer », frères et sœurs, est décisif. La « demeure » de Jésus, c’est le lieu que cherchent les disciples tout au long de l’évangile. « Rabbi, où demeures-tu ? » demandent-ils dans Jean. La demeure, c’est le Royaume : c’est là où Dieu habite, où il est présent. En Jésus le Christ pour les croyant.es… et dans la maison de Zachée, dans notre maison. Oui, le Royaume de Dieu, il vient demeurer chez vous. Bonne Nouvelle : vous allez pouvoir retirer les chaussures de marche qui font mal aux pieds. Les chaussons suffisent pour vivre dans le Royaume. Et Bonne Nouvelle encore : la maison n’a pas besoin d’être rangée, parfaite, toute lisse… Dieu s’invite sans crier gare… il aime le tourbillon de vos vies.

Cet arrêt de Jésus devant Zachée, comme devant nous, devant vous… c’est comme un nouveau départ. Comme si sa vie allait prendre un autre tournant. Comme si le tourbillon allait tourner autrement. Eh bien c’est ce qui se passe quand Jésus débarque chez nous : il nous offre, comme à Zachée, de relire autrement nos vies.

Et pour cela, il nous ancre pleinement dans notre présent. Il nous fait sortir de aspirations floues, pour nous signifier que la vie avec lui, c’est là maintenant, tout de suite. Voilà que Zachée parle au présent : « Je donne la moitié de ce que j’ai aux pauvres. » Pas je donnerai, mais bien « je donne ».

Oui, voilà ce que fait le Royaume : il nous rend attentifs à l’instant présent. Nous qui vivons souvent tournés vers le futur ou prisonniers du passé, le Royaume nous rappelle que c’est aujourd’hui que Dieu nous rejoint. Tout part de notre présent avec Dieu. C’est le centre.

Et pendant que les autres jugent de l’extérieur, de la marge (« Il est allé loger chez un pécheur ! »), Jésus vient publiquement lire la nouvelle partition. Le regard d’amour de Dieu pour nous est public. Il nous reconnaît, vous reconnaît comme enfant d’Abraham, acteur du Royaume ici et maintenant.

Le Royaume n’est plus dans une orientation de course, dans une action pour voir Jésus, mais dans la maison de celui, de celle qui espère la rencontre, maison qui devient la demeure de Jésus. Il est aussi dans l’appel au changement de regard des personnes qui nous entourent et jugent parfois à l’emporte-pièce, en ne connaissant qu’une facette de notre vie.

Et voilà que la joie arrive. Zachée reçoit Jésus dans la joie. Ce n’est pas un détail du récit : mais le signe du Royaume déjà là. Oui, le Royaume est là quand nous sommes heureux, quand nous sommes apaisés dans nos relations avec les autres, quand nous découvrons à nouveau notre place dans la communauté des vivants.

On peut le dire autrement encore : la joie, c’est comme quand nos chaussons deviennent chaussons de danse qu’on a l’impression que nos pieds ne touchent plus le sol. Le Royaume, c’est ça aussi : une autre manière de marcher dans la vie, une autre façon d’avancer, légère, portée, habitée par une force qui nous dépasse.

Et cette joie a quelque chose de particulier : elle prend de la vitesse, elle crée à son tour un tourbillon. Le temps n’a plus la même durée. Le temps devient l’instant vécu, il devient l’événement lui-même. Dans la joie, le temps s’incarne : il n’est plus un compte à rebours, mais une plénitude offerte. Déjà là, pas encore : en fait, voilà que le Royaume dans nos vies échappe au temps compté de nos heures.

Alors oui, le salut est entré aujourd’hui dans la maison de Zachée, et aussi dans les vôtres, mes frères, mes sœurs, parce que Dieu vous rencontre et s’invite chez nous. Et le Royaume est déjà là.

Mais peut-être que demain ou après demain dans la furie du monde, dans la peur ou le souci des quotidiens, ce Royaume, vous aurez l’impression qu’il s’estompe… que les chaussons sont abîmés… Mais alors, rappelez-vous, que si c’est le cas… ce Royaume, il viendra de nouveau vous rejoindre. Que vous entendrez Dieu en un ami, dans le geste d’un enfant, dans un verset biblique… Oui, si vous en avez besoin, pour vous le Royaume sera encore et toujours à venir, jour après jour. Parce qu’inlassablement Dieu vient vous rencontrer. Comme une promesse qu’il tient pour toujours et qui ouvre un avenir pour chacun, chacune.

Et une promesse, ce n’est pas pour un temps… mais c’est pour la vie.

Et déjà pour toi aujourd’hui, pour ta vie, mon frère, ma sœur : il est vrai que chez toi Dieu s’invite ! Il attend de danser avec toi dans ta maison, dans le confort de tes chaussons.

Amen

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