
Prédication Le Royaume, une vie en 3 D !
Un petit verset : « Jésus leur dit une parabole : « Voilà à quoi le règne des cieux est semblable : du levain qu’une femme a pris et introduit dans 25 kilos de farine, jusqu’à ce que tout soit levé. » » Vous conviendrez que c’est court, très court.
Juste ce qui faut pour que vous puissiez vous faire une image mentale de ce que Jésus raconte. Imaginez 25 kilos de farine. 25 petits paquets alignés sur votre table de cuisine… comment ça il n’y a pas la place ? Bon alors un gros sac de farine boulangère posée dans votre cuisine !
Imaginez le levain, cette pâte fermentée qui vient d’un ancien pain. Quelle quantité ? On dit entre 20 et 30% du poids de la farine… allez on va dire 6kg. On lui trouve une place sur la table.
Imaginez l’eau qu’il faut pour faire ce pain. Un peu plus de 17 litres. Quelques aller-retour aux puits de l’époque.
Et maintenant une femme seule, ou un homme seul peu importe en fait, une seule personne pour incorporer le levain et pétrir la pâte… 48kg à manipuler, à pétrir, à travailler, pour que le levain prenne la pâte… et maintenant… il faut laisser reposer pour que la pâte lève. Une huitaine d’heures si on fait le pain de manière traditionnelle.
Voilà dit Jésus, le Royaume des cieux est semblable à cela. A ce travail-là. Travail du levain, qui opère par chimie et un peu par « magie » (c’est merveilleux de voir une pâte lever), mais aussi tout le travail de la personne qui prépare la chimie. En clair, le Royaume des cieux, il ne tombe pas tout cuit dans la bouche du monde !
Trois éléments sont indispensables pour qu’il arrive : le levain, le pétrissage couplé à la persévérance de faire, et le temps du laisser faire.
Vous le savez le levain, c’est de la pâte fermentée. Pas du vieux pain, mais un peu de la pâte crue de la fournée précédente qu’on a gardé, et qu’on mélange à la nouvelle pâte. Le levain avec Dieu, c’est un peu ce qui nous vient d’avant, de nos anciens, de nos anciennes dans la foi. Ça sonne comme l’expérience de Dieu des croyants et des croyantes avant nous. Les descendants d’Abraham, de Moïse, de Ruth… L’expérience de nos parents, de nos grands-parents. Ce qu’ils nous ont dit, ce qui les a animés et les a conduits dans leurs prières, dans leurs engagements dans l’Église ou au service des humains pour Dieu. Mais si je parle d’expérience vécue, si je m’arrête là alors, c’est du pain cuit. Pas du levain. Pour que ce soit du levain, c’est plutôt un peu de ce qui leur était important dans leur foi, mais qu’ils ont laissé de côté pour les autres. Cette part qu’ils ont laissé de côté pour qu’elle puisse être travaillé avec d’autres. Vous savez un peu comme quand on fait un gâteau pour la première fois avec un enfant. On sait le faire par cœur le gâteau au chocolat, mais ce jour-là parce que pour la première fois un enfant cassera les œufs, mélangera la farine, le gâteau sera différent. On transmet, et on laisse la liberté d’advenir. Il y a dans le levain du Royaume cette dimension au passé croyant, un passé qui apporte des ingrédients, mais qui laisse la recette se transformer un peu parce qu’une nouvelle personne la réalise.
Qu’avons-nous hérité de Dieu par nos parents ? Que nous ont laissé nos grands-parents dans nos vies de croyant.es et qui puisse être levain, cette part de Dieu capable de transformer la vie ! Une manière de prier ? Une certaine lecture de la Bible ? Certains cantiques peut-être dont les paroles nous défrisent, mais dont les mélodies nous ramènent à un essentiel d’enfant, à une émotion, un ressenti de confiance ou de joie ? La liberté de devenir nous-mêmes et de poser nos propres choix, d’inventer avec Dieu nos chemins ? Et quel levain laisserons-nous à ceux et celles qui viennent après ? Quelle part de nos histoires, de nos essentiels, de nos dynamiques de vie sera pour elles et pour eux ce qui donnera du volume et du goût à leur propre expérience ?
Parce que c’est ça aussi le levain dans la pâte : c’est ce qui donne ce petit goût indéfinissable qui caractérise un pain particulier. Il n’y a pas deux pains avec le même goût, il n’y a pas deux vies identiques. Et c’est ce qui donne du volume à la pâte de la vie. Le levain de la foi de nos anciens, quand nous l’incorporons à tout ce que nous sommes nous, alors il permet que nos vies prennent de l’ampleur, qu’elles se réalisent, qu’elles respirent ! Mais le levain n’est pas tout. Il y a notre farine, notre eau. Il y a beaucoup de présent, beaucoup de nous dans le Royaume. Il y en a au moins 3 fois plus que du passé. Et si nous regardons notre Église, oui, elle a ce levain de nos anciens, des « fondateurs » de ce Centre, et plus loin de Calvin, de Luther, de Pierre, Marthe, et Sarah… mais pas que… C’est vous, qui êtes là, avec d’autres chants, avec une autre manière aussi d’habiter votre foi. Vous qui venez de différentes Églises chrétiennes, vous qui découvrez Dieu, vous qui êtes vous… et c’est bien comme ça.
Pour que ça fonctionne que ça prenne entre l’avant et l’aujourd’hui, il y a l’étape du pétrissage. Un travail lent, exigeant, long parfois. Il faut de la patience pour que ça fonctionne. Un peu un tour de main aussi, mais il s’apprend vite celui là. Pétrir de la pâte, on l’apprend vite et on l’apprend en jouant, en s’amusant, en faisant avec les plus grands. Les enfants aiment tellement cela que de mettre les doigts dans la farine et l’eau, que d’apprendre à avoir la bonne consistance au bout des doigts pour former une boule de pâte. C’est plus de la patience, qu’une recette à suivre à la lettre. Le Royaume des cieux devient alors semblable à une vie expérimentée, une vie qui tâtonne, qui essaie et qui apprend en faisant, en vivant.
Il n’y a pas de livre tout fait de vieilles recettes du Royaume à respecter à la lettre pour que ça marche. Il y a à expérimenter, à adapter. Plus d’eau, quand dans nos vies on a l’impression de sécher sur pattes. Plus de farine parfois. Plus ou moins de levain, de passé, selon le goût du pain que l’on recherche. Et la persévérance, le non renoncement, parce que la pâte peut toujours prendre. Ca ne loupe pas une pâte à pain, ce n’est jamais perdu. Oui, pour Jésus, le Royaume des cieux, c’est quelque chose de l’ordre de l’assurance… c’est possible ! Toujours, dans toutes les circonstances, il y a moyen de « faire prendre » la pâte, de trouver le bon dosage, d’associer les ingrédients de nos vies et ceux de Dieu.
Et enfin le temps du lâcher prise, du laisser faire. Ce n’est pas le tout de retourner toute la pâte, de mettre de la farine plein la cuisine. Il faut après accepter de ne rien faire et d’attendre que la pâte lève toute seule. Parce que devenir soi-même, ça prend du temps. Parce que laisser la part de Dieu infuser dans notre vie, et la transformer ça prend du temps. Parce que conjuguer le passé au présent, ça ne se fait pas comme ça.
Le Royaume des cieux recèle aussi cela : le temps de la maturation, qui permet aux choses de prendre leur juste place, qui crée de l’espace. Le temps pour prendre de la distance… pour se reposer… car c’est bien ce qu’on dit d’une pâte quand on a fini de la pétrir. On la laisse se reposer. Et c’est dans ce repos que le travail, son travail se fait ! Paradoxe de la pâte et paradoxe du Royaume, dans le repos l’accomplissement, la dynamique de la vie et du devenir. Dieu en Jésus nous rappelle aussi cela : tout ne dépend ni du passé, ni de nous… il est important que nous lâchions prise parfois et que nous laissions l’alchimie/la rencontre de Dieu prendre dans nos vies ou dans celles de nos enfants, sans nous en mêler, sans chercher à améliorer, ou corriger quoique ce soit. La vie avec Dieu est liberté d’être soi-même, de comprendre qui nous sommes pour Dieu, et ce qu’il nous fait devenir.
Qu’est-ce que Dieu a transformé dans ma vie ? Qu’est-ce qu’il a révélé en moi que je ne soupçonnais pas et qui fait de ma vie une pâte levée ? Qu’est-ce qui me paraissait important dans mon héritage ou dans ce que je croyais et qu’il a mis un peu à distance, qu’il a décollé du reste ? Qu’est-ce qui dans le silence de la prière, du lâcher-prise devient important pour moi avec Dieu ?
Le Royaume des cieux, c’est tout ça… pas seulement le levain, pas seulement le travail, pas seulement le lâcher-prise, mais tout ça ! Et tout ça en grande quantité ! 48kg de pâte… comme pour signifier l’ampleur d’une vie !
48kg de pâte qui une fois cuits donneront 43kg de pain ! Combien de personnes nourrit-on alors ? Plus d’une centaine assurément ! Oui, le Royaume des cieux, pour nous, pour vous dans la vie, c’est aussi cela : devenir nourriture, devenir témoins pour un grand nombre ! Dieu vous dit aujourd’hui que vous êtes pour les autres porteurs, porteuses de vie. Que peut-être sans le savoir vous donnez et nourrissez 100 personnes. Et par vous, ce sont 100 personnes qui vivent un peu de ce que Dieu a transformé dans vos vies.
100 personnes multipliées par le nombre de présent.es ce matin, dont les enfants… on est à combien ? 5000 ! Au bas mot !
Vous êtes force de transformation du monde, juste en étant vous-mêmes avec Dieu. Bonne Nouvelle d’un Royaume des cieux qui n’a pas de frontière et qui grandit, qui s’étend de génération en génération.
Combien de pains feront ces personnes ensemencées de la Parole ou des gestes de Jésus par vos vies ? Beaucoup, c’est certain. Ce qui est certain aussi, c’est que ces pains auront des goûts un peu différents des nôtres. Parce qu’ils auront notre levain, mais qu’ils auront leurs ingrédients, leurs contextes de vie. Leur cuisine de préparation ne sera pas la nôtre, comme la nôtre est très loin de celle de la femme de l’époque de Jésus…
Mais de cuisine en cuisine, de vie en vie, Dieu vient mettre son grain de sel dans nos pâtes de vie ! Ah… le sel…, je l’avais presqu’oublié. Bon, on en parlera une autre fois !
Amen