Dimanche 15 septembre 2024
Texte biblique : Ephésiens 4,1-16 (Luc 15,1-7)
Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour un culte particulier, puisque nous installons le Conseil Presbytéral et accueillons la pasteure Gwenaël Boulet dans son ministère à Asnières-Bois-Colombes.
C’est donc un jour de louange et de reconnaissance pour tant d’énergie et de temps consacrés au service de l’Evangile.
En ce jour, à la lumière du texte de Paul, nous nous poserons une question toute simple : quel est l’objectif premier d’une Eglise ?
Première réponse possible : la mission d’une Eglise est d’avoir les moyens de continuer à vivre. Pour cela, il faut de l’argent, pour atteindre la cible, pour payer des pasteurs, pour dynamiser des activités qui attireront du monde, pour que les recettes augmentent et que la cible soit atteinte.
Bien sûr, notre Eglise doit se soucier de son avenir, y compris matériel. Et c’est notamment la responsabilité du Conseil presbytéral. Mais se donner cet unique objectif, c’est tourner en rond, comme l’ivrogne du « petit prince », de Saint-Exupéry, qui buvait pour oublier qu’il buvait.
La survivance de l’Eglise ne peut être sa raison d’être. Car l’Eglise ne vit pas seulement pour elle mais par le Christ et pour le monde.
Alors quelle ligne directrice pour nos Eglises ?
Pour Paul, cette ligne directrice se résume en un mot : croissance.
Cette croissance est notamment quantitative.
Croissance du nombre de fidèles.
Croissance dans la participation aux activités, au culte, à l’école biblique, au groupe de jeunes, aux études bibliques.
Croissance du nombre de ses responsables.
Une Eglise qui ne se renouvelle pas, se sclérose puis meurt.
Surtout, l’Eglise n’est pas un club d’initiés mais un lieu ouvert.
Car elle est là au nom de l’Evangile.
Or, cet Evangile est à partager parce qu’il fait du bien, parce que cela change une existence que de rencontrer le Christ et recevoir sa grâce, sa paix et son pardon, parce que les promesses de l’Evangile concernent le monde entier et pas seulement un petit groupe d’élus.
L’Eglise est d’abord pour les « autres ».
Ceux qui ne font pas partie d’une communauté.
Ceux qui viennent à nous pour un mariage, un baptême ou un enterrement.
Ceux qui traversent un désert spirituel.
Ceux qui ont trop de problèmes pour se laisser aimer.
Ceux qui ne connaissent pas encore l’Evangile.
Une fois, un homme voulait prendre le bateau pour traverser l’Atlantique. C’était son rêve. Mais il n’était pas riche et dû économiser pour se payer la traversée.
Comme il n’avait plus d’argent sur le bateau, il se contentait de sandwichs et d’eau, alors que tous les autres passagers profitaient des repas somptueux proposés sur le paquebot.
Un passager, intrigué de le voir manger en catimini ses sandwichs, lui demanda pourquoi.
L’homme lui répondit : « Je n’ai plus d’argent pour me payer ces repas. Ils doivent sûrement coûter des fortunes. »
Et c’est là qu’il apprit que les repas étaient compris dans la traversée. Ils étaient gratuits.
L’homme s’était privé pour rien.
Une Eglise qui veut grandir, c’est une Eglise qui sait qu’un banquet est offert à tous, qu’il est gratuit, et qu’il serait absurde que tant de gens se privent pour rien.
Croissance numérique.
Croissance dans la vie fraternelle.
En accueillant les nouveaux venus.
En veillant les uns sur les autres.
En visitant ceux qui sont isolés parce qu’ils sont dépendants, parce qu’ils sont malades, parce qu’ils se sont repliés sur eux-mêmes.
En apprenant à mieux se connaître par des rencontres en petits groupes ou des réunions de quartiers.
Croissance fraternelle dans notre façon de vivre les uns avec les autres, de gérer nos désaccords éventuels sans qu’ils dégénèrent en conflit et ce n’est pas toujours simple dans une maison comme celle-ci, si diverse, traversée par la tension féconde entre l’enracinement et l’ouverture.
Une maison qui n’est fidèle à son projet que si elle reste dynamique tout en prêtant attention aux individus et notamment à ceux qui s’intègrent mal, à ceux qui restent de côté, aux poils à gratter de la vie communautaire, comme nous le rappelle la parabole de la brebis perdue.
Paul nous incite à franchir encore une étape.
Il ne suffit pas que l’Eglise grandisse; il faut aussi que chacun puisse grandir dans l’Eglise.
La vocation ultime de l’Eglise est d’être un lieu, où, comme l’écrit Paul : « chacun réalise sa propre croissance pour se construire lui-même, dans l’amour ».
Nous désirons devenir adultes dans la foi. Et un adulte dans la foi, c’est un être suffisamment dépréoccupé de lui pour se tourner vers les autres et vers Dieu, un être tellement sûr d’être aimé qu’il peut aimer, tellement sûr d’être pardonné qu’il peut pardonner, tellement sûr d’avoir tout reçu qu’il peut tout donner.
La vocation d’une Eglise est d’aider chacun à grandir à son rythme.
Mais lui permettre de vivre ce projet, le Christ appelle des croyants à son service, il suscite des ministres, c’est-à-dire des serviteurs.
Il y a les chargés de l’enseignement : les catéchètes, les moniteurs, les animateurs d’études bibliques.
Il y a le ou la pasteur.
Il y a les responsables de mouvements de jeunesse.
Il y a ceux qui se préoccupent des plus fragiles. Et c’est l’occasion de rappeler que l’Entraide, le Centre 72 et la Maison des jeunes sont trois des quatre murs porteurs de cette maison.
Il y a enfin les conseillers presbytéraux, chargés d’organiser la vie matérielle et spirituelle de l’Eglise et dont nous reconnaissons aujourd’hui le ministère.
Tous ces ministères se rejoignent sur l’essentiel : leur origine et leur force sont en Dieu.
Nous ne sommes pas catéchètes, pasteurs ou conseillers parce que nous nous pensons les meilleurs à ce poste mais :
– parce que nous sentons que c’est là que le Christ nous appelle.
– parce que d’autres ont confirmé cette vocation
– parce que nous croyons que le Christ nous équipera pour ce ministère.
C’est pourquoi, quels que soient votre dévouement et la qualité de votre organisation, vous ne pourrez mener à bien votre ministère sans grandir, vous-même, spirituellement.
Paul nous le dit, la force qui permet de grandir n’est pas en nous, mais en Jésus-Christ.
Jésus se tourne vers nous, il nous pardonne ce nous ne nous pardonnons pas, il fait de nos faiblesses des forces, il nous relève, nous délivre, nous pacifie; bref, il donne tout ce qui est nécessaire à notre croissance.
Comme l’écrit Paul : « A chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ ».
La conséquence est donc claire : avant de nous demander quoi faire, nous avons d’abord à nous enraciner en Christ.
Paul l’écrit de façon imagée : le Christ est descendu jusque dans les bas-fonds pour nous rechercher. Même les zones les plus sombres de notre vie et de notre être ont été visitées et pacifiées par le Christ.
Malgré l’absence de réussite professionnelle, j’existe et j’ai de la valeur à ses yeux.
Malgré mon divorce ou mes échecs parentaux, j’existe et j’ai de la valeur aux yeux de Dieu.
Malgré mes fautes ou mes occasions manquées, j’existe et j’ai de la valeur aux yeux de Dieu.
Je peux donc grandir, je peux devenir adulte dans la foi parce que le Christ m’a donné tout ce dont j’ai besoin.
Il nous est simplement demandé, selon l’expression de Paul, d’accorder notre vie à l’appel reçu ».
Autrement dit, Paul demande que notre vie ne fasse pas obstacle à l’Evangile.
Si la grâce nous est donnée gratuitement, sans contrepartie, nous avons la responsabilité de la laisser agir en nous, de nous garder de ce qui lui fait obstacle.
Plusieurs nous viennent rapidement à l’esprit : la suractivité, l’avidité.
J’insisterai sur une, moins connue, mais qui, pourtant, nous menace particulièrement : l’acédie.
L’acédie, c’est un mot employé dans les communautés religieuses pour caractériser une maladie spirituelle. L’acédie, c’est la paresse spirituelle, le refus d’une discipline de prière, de lecture de la Bible et de vie communautaire.
Elle se traduit par un éloignement de la vie cultuelle ou par une fuite dans l’activisme.
Lorsque notre prière est vide et notre agenda surchargé, c’est que nous sommes atteints par cette maladie.
En CP, en AG, avec les trois autres associations, vous discuterez du projet de vie d’Eglise.
Des propositions seront faites, de nouvelles activités seront proposées et c’est bien ainsi.
Mais gardez à l’esprit cette double question : ces activités favoriseront-elles la croissance spirituelle ?
Je terminerai en citant Eric Fuchs, qui fut mon professeur d’éthique à Genève : « Depuis 1950, la société a changé de mythologie. Socialement, l’homme se débarrasse de l’idéal du zéro faute morale sur le fantasme du zéro frustration.
Les Eglises ont du mal à suivre. Il est temps pour elles de prendre acte qu’elles ne retrouveront pas la place et la fonction de garantes qui furent les leurs dans la société d’avant. Et qu’elles ont à réinventer de nouvelles structures fondées sur le partage biblique et fraternel, une vie de prière, un engagement communautaire.
C’est d’ailleurs ainsi que tout commença. »
Amen !