Qu’est-ce que la prière ?

Texte de la prédication du 27 juillet 2025 par Rova Rakotoarson

Lectures

Genese 18 : 20-33 [TOB]

Le SEIGNEUR dit : « La plainte contre Sodome et Gomorrhe est si forte, leur péché est si lourd que je dois descendre pour voir s’ils ont agi en tout comme la plainte en est venue jusqu’à moi. Oui ou non, je le saurai. »

Les hommes se dirigèrent de là vers Sodome. Abraham se tenait encore devant le SEIGNEUR, il s’approcha et dit : « Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le coupable ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville ! Vas-tu vraiment supprimer cette cité, sans lui pardonner à cause des cinquante justes qui s’y trouvent ? Ce serait abominable que tu agisses ainsi ! Faire mourir le juste avec le coupable? Il en serait du juste comme du coupable ? Quelle abomination ! Le juge de toute la terre n’appliquerait-il pas le droit ? »  Le SEIGNEUR dit : « Si je trouve à Sodome cinquante justes au sein de la ville, à cause d’eux je pardonnerai à toute la cité. »  Abraham reprit et dit : « Je vais me décider à parler à mon Seigneur, moi qui ne suis que poussière et cendre. Peut-être sur cinquante justes en manquera-t-il cinq! Pour cinq, détruiras-tu toute la ville ? » Il dit : « Je ne la détruirai pas si j’y trouve quarante-cinq justes. Abraham reprit encore la parole et lui dit : « Peut-être là s’en trouvera-t-il quarante ! » Il dit : « Je ne le ferai pas à cause de ces quarante. » Il reprit : « Que mon Seigneur ne s’irrite pas si je parle ; peut-être là s’en trouvera-t-il trente ! » Il dit : « Je ne le ferai pas si j’y trouve ces trente. » Il reprit : « Je vais me décider à parler à mon Seigneur : peut-être là s’en trouvera-t-il vingt ! » Il dit : « Je ne détruirai pas à cause de ces vingt. » Il reprit : « Que mon Seigneur ne s’irrite pas si je parle une dernière fois : peut-être là s’en trouvera-t-il dix ! » — « Je ne détruirai pas à cause de ces dix. »

Le SEIGNEUR partit lorsqu’il eut achevé de parler à Abraham et Abraham retourna chez lui.

 

Luc 11 : 1-13

Un jour, Jésus priait en un certain lieu. Quand il eut fini, un de ses disciples lui demanda: «Seigneur, enseigne-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples. »  Jésus leur déclara: « Quand vous priez, dites : “Père, que tous reconnaissent que tu es le Dieu saint ; que ton Règne vienne. Donne-nous chaque jour le pain nécessaire. Pardonne-nous nos péchés, car nous pardonnons nous-mêmes à tous ceux qui nous ont fait du tort. Et ne nous expose pas à la tentation.” »

Jésus leur dit encore : « Supposons ceci : l’un d’entre vous a un ami qu’il s’en va trouver chez lui à minuit pour lui dire : “Mon ami, prête-moi trois pains. Un de mes amis qui est en voyage vient d’arriver chez moi et je n’ai rien à lui offrir.”  Et supposons que l’autre lui réponde de l’intérieur de la maison : “Laisse-moi tranquille ! La porte est déjà fermée à clé, mes enfants et moi sommes au lit ; je ne peux pas me lever pour te donner des pains.” Eh bien, je vous l’affirme, même s’il ne se lève pas par amitié pour les lui donner, il se lèvera pourtant et lui donnera tout ce dont il a besoin parce que son ami insiste sans se gêner.

Et moi, je vous dis : demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira la porte. Car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve et l’on ouvrira la porte à qui frappe. Si l’un d’entre vous est père, donnera-t-il un serpent à son fils alors que celui-ci lui demande un poisson ? Ou bien lui donnera-t-il un scorpion s’il demande un œuf ? Tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants. A combien plus forte raison, donc, le Père qui est au ciel donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent !»

 

Prédication

  1. Être en relation
  2. Être en vérité
  3. Être en sa Présence

 

  1. Être en relation

Se mettre en prière, c’est entrer en relation avec Dieu, et donc reconnaître ou souhaiter sa présence.  Se mettre en prière permet de se décentrer et de tourner son regard vers Dieu. On peut ainsi lui faire de la place dans nos vies. Lorsque Jésus nous enseigne le début de la prière du Notre Père, il nous invite à louer Dieu, à opérer ce décentrage : « Que ton nom soit sanctifié », « Que tous reconnaissent que tu es le Dieu Saint ».

Prier, c’est donc entrer en relation avec Dieu, mais c’est aussi entrer en relation avec les autres. Lorsque nous disons tous ensemble le « Notre Père », nous ne disons pas « je » ou « moi », mais bien « nous ». Nous sommes en communion de prière les uns avec les autres, les uns pour les autres. La prière du « Notre Père » vient d’ailleurs souvent conclure la prière d’intercession.  L’intercession, c’est nous pour les autres et les autres pour nous. Même quand nous n’arrivons pas à prier, même comme nous sommes à sec, d’autres avec Dieu sont là dans la prière pour nous.

En priant dans l’intercession, on se décentre pour penser à son prochain. Et si nous repensons au passage de la Genèse que nous avons lu, c’est aussi le sens de la prière d’intercession d’Abraham à Dieu. Abraham se préoccupe ainsi des habitants de Sodome lorsqu’il demande à Dieu de ne pas détruire la ville. Dans la prière d’intercession, il y a nous, il y a les autres, mais il y a aussi Dieu ! Cette prière est gage de la présence de Dieu dans nos vies et dans ce monde : quelle bonne nouvelle !

Mais la bonne nouvelle ne s’arrête pas là, et nous arrivons à notre deuxième point :

  1. Être en vérité

Dans notre prière, dans notre relation à Dieu, nous sommes invités à être en vérité. Être en vérité, c’est être soi-même devant Dieu, avec tout ce que l’on est, y compris nos faiblesses. La société nous exhorte à nous montrer infaillible, à compter sur nous-même, sur nos propres forces. Nous sommes ainsi tentés d’être nos propres dieux. La logique de Dieu est toute autre : il nous appelle à lui remettre nos vies et à compter sur la puissance de son amour. Dieu nous invite à reconnaître qu’il est notre force. J’aime beaucoup ce verset dans la deuxième épître de Paul aux Corinthiens où il est dit « « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. »

Alors avec Dieu, pas besoin de jouer les super-héros, inutile de se cacher derrière nos masques de perfection… Il nous invite à être sincères. Et il ne nous en considèrera pas moins, au contraire. Dieu nous aime tels que nous sommes. Sans masque, sans faux-semblant de perfection. Prier en vérité, c’est donc avant tout nous présenter à Dieu tels que nous sommes, dans notre imperfection.

Mais pas seulement dans notre faiblesse. Nous ne sommes pas que faibles en vrai. Regardez ce que vous accomplissez au quotidien. Regardez la force d’une parole de consolation pour vos enfants qui pleurent… On est, vous êtes forts aussi. Comme Abraham ! En vérité devant Dieu avec nos convictions, notre humanité…

Être en vérité, être soi-même, c’est aussi et avant tout une grande liberté. Et Dieu nous donne cette liberté. Nous ne sommes pas dans une relation qui enferme, nous pouvons parler librement à Dieu.

Revenons à ce passage de la Genèse où Abraham entre en conversation avec Dieu au sujet de Sodome. Cette prière d’Abraham est la première de la bible, et à notre grand étonnement, il s’agit d’une prière de contestation.

Abraham aurait pu dire « Tu es Dieu et tout ce que tu fais est juste. C’est vrai que les Sodomites se sont mal comportés. Louange à toi Seigneur car tu es le Dieu de justice ! Aide-moi à supporter la destruction de la ville. » Au lieu de cette attitude de soumission, Abraham interroge le Seigneur : « Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le méchant ? ». On peut parler ici d’une spiritualité de la parole, de la protestation : cette spiritualité consiste à poser devant Dieu la vérité de sa parole, même quand elle vient contester le réel.

Adolphe Gesché, un théologien belge, a dit : « L’homme croyant (Abraham, Job, Jacob) discute avec Dieu, alors que le philosophe discute à son propos. Ce n’est pas la même chose. Et qui est le plus poli ? N’est-ce pas celui qui le fait ouvertement et non pas en cachette ? »

Dieu entend et écoute nos prières. Est-ce que nous osons tout lui dire, tout lui demander ? Dans le passage de l’Evangile de Luc, Jésus nous invite à oser demander, oser frapper à la porte, à oser insister comme l’ami en pleine nuit. Le faisons-nous vraiment ? Honnêtement, en ce qui me concerne, pas toujours. Peut-être, sûrement, par peur de la réponse, ou de la non-réponse… peut-être pour ne pas être déçue… Dieu entend et écoute nos prières, mais la réponse n’est pas toujours celle qu’on attend. Sodome finira par être détruite. Est-ce que Dieu n’a pas écouté Abraham ? Finalement le seul juste de Sodome, Loth, sera sauvé en quittant la ville. Le lieu a été détruit, mais le juste a été sauvé. Alors oui, la réponse que Dieu a donnée n’est pas celle qu’Abraham attendait, mais pour autant, Dieu a écouté Abraham. Et moi ? Et vous ? Qu’auriez-vous fait à la place d’Abraham ? Et à la place de cet ami ?

Nous avons donc vu que prier permettait d’être en relation avec Dieu et avec les autres, mais aussi que Dieu nous invitait à être nous-même dans cette relation et à lui parler en toute liberté. Nous arrivons à présent au troisième et dernier point :

  1. Être en sa Présence

Nous pouvons tout demander à Dieu, mais il se peut que nous n’obtenions pas la réponse attendue. A travers la fin du passage de l’Evangile de Luc, Jésus nous assure qu’il y a une chose que Dieu ne nous refusera jamais, c’est sa présence à travers son Esprit Saint. Et sa présence, son amour, nous donnent une force inouïe.

Nous pouvons donc prier pour accueillir la présence de Dieu dans nos vies. Accueillir Dieu, c’est également une manière de recevoir sa paix. D’être sûr que quoiqu’il m’arrive, quelle que soit l’épreuve que je traverse, Dieu est là, présent pour me soutenir avec la force de son amour.

Accueillir, c’est aussi être reconnaissant des bénédictions reçues. Cela implique d’abord de savoir les reconnaître, discerner l’action de Dieu dans nos vies, puis de le remercier pour cela.

J’ai une amie psychologue qui me parle souvent « d’accueillir » ce qui nous arrive. Ce mot est différent de subir ou même d’accepter : le mot accueillir nous rend acteur et actrice de ce qui nous arrive ; notamment lorsque nous traversons des épreuves.

J’ai évoqué tout à l’heure la spiritualité de la protestation avec la prière d’Abraham pour Sodome. Oui, il ne faut pas hésiter à se demander avec Dieu comment faire bouger les lignes. Mais parfois, nous n’avons aucune prise sur la situation. Et là il existe une autre spiritualité, celle du lâcher prise, qui permet d’être en paix avec ce qui arrive et que l’on ne peut pas changer.

En préparant cette prédication, je me suis demandé si on devait parfois accepter l’inacceptable et j’en ai discuté avec Gwenaël. Car certains parlent de la spiritualité de l’acceptation.  Et bien non. Dieu ne nous demande pas d’accepter l’inacceptable. Il s’agit de vivre la situation autrement, en changeant notre regard, notre relation à elle. Il ne s’agit pas de se résigner, mais d’accueillir la situation, armés de la paix que Dieu nous donne. Et d’ailleurs, il y a une chose que l’on ne peut pas changer, c’est le passé. Denis Heller avait cette phrase que je trouvais très juste : « La paix sur le passé, la force pour le présent, la lumière pour l’avenir ». Alors forts de nos engagements et de nos combats, prions et accueillons la paix de Dieu dans tous les moments de notre vie.

Conclusion

Pour conclure, nous avons vu à travers ces deux textes de la Genèse et de l’Evangile de Luc que les prières pouvaient être très diverses et variées, allant de l’intercession et la contestation d’Abraham, à la prière du « Notre Père » que Jésus nous a enseignée. La prière peut prendre de multiples formes. Chaque prière est unique. Elle permet d’entrer en relation avec Dieu, de lui parler et de l’écouter. Elle permet même de dire merci pour des chips, ou pour le beau temps un jour de fête.

La prière, nous l’avons vu, est une occasion d’entrer en relation avec Dieu. Assurés de sa présence et de sa paix, Dieu vous invite à venir à lui en toute liberté : ils vous aime tels que vous êtes.

Amen

Contact